Pint of Science Rouen – Le tourisme et son rapport avec la réalité augmentée #Pint21!

En 2012, Dr Michael Motskin et Dr Praveen Paul, 2 chercheurs scientifiques à l’Imperial College of London ont eu l’idée d’amener la science au public, qui a fait naître l’année suivante le festival à but non lucratif Pint of Science. Aujourd’hui cet évènement est organisé chaque année en mai dans les pubs, de près de 400 villes du monde.

Ce 18 mai 2021, deux partenaires VISTA ont participé à l’évènement tenu en ligne (CESI et NEOMA). Une heure de science et de fun autour de 3 sujets : une « Présentation du métier de chercheur/chercheuse » (CESI Rouen), « L’agriculture urbaine et l’alimentation du futur » (UniLaSalle et l’ESIGELEC) et « Le tourisme et son rapport avec la réalité augmentée » (NEOMA Business School).

Nous nous sommes ici plus particulièrement penchés sur le troisième sujet, qui fait écho au travail poursuivi dans le cadre du projet VISTA.

Le tourisme et son rapport avec la réalité augmentée :

La question de recherche à l’origine de ce projet a expliqué, Gaël Bonnin, Directeur de la recherche et professeur de marketing au sein de NEOMA Business School, a été de « savoir si l’utilisation de la RA est une opportunité pour les sites touristiques et culturels ».

Autrement dit, « est-ce intéressant pour les visiteurs et cela va-t-il permettre aux musées et sites touristiques d’être plus attractifs et d’attirer plus de visiteurs ? Et quel contenu doit-on donner à ces outils de RA ? »

Deux études ont été faites avec pour approche, le recours à la « Narrative theory« , ou la façon dont est construite une histoire, en réponse à cet objectif commun des musées et sites touristiques « de raconter une histoire, la faire venir aux visiteurs et la leur faire vivre ».

Sur le principe que l’Homme a deux façons « d’appréhender le monde », avec une compréhension intellectuelle (mode de connaissance « paradigmatique« ), ou à partir des histoires qui lui sont racontées (mode de connaissance « narratif« ), l’équipe de NEOMA s’est concentrée sur « l’engagement narratif« , soit « la capacité de quelqu’un à rentrer dans une histoire », qui dépend de 4 variables :
– « Est-ce que je comprends l’histoire ?
– Est-ce que je suis attentif à ce qui m’est raconté ? Est-ce que je reste absorbé par l’histoire ?
– Est-ce que je m’immerge dans l’histoire ? […]
– Est-ce qu’émotionnellement cela me touche ? »

Si, en hypothèse, la RA ou RV sont des atouts en ce qu’ils permettent de faire « revivre des éléments absents », dans les faits cela fonctionne-t-il vraiment ainsi pour les conservateurs ?

Pour y répondre, Gaël Bonnin et son équipe de NEOMA ont mené plusieurs études :

Une première étude (452 réponses) qui comparait 4 sites français avec ou sans outils de RA. Les résultats montraient que dans l’ensemble l’intention d’utiliser les outils proposés était assez élevée.

3 grandes réponses :
. Sans surprise, cela a montré que « les personnes qui aimaient déjà au départ les technologies avaient plus l’intention d’adopter les outils de RA ».
. Un deuxième point, qui « valide vraiment l’hypothèse centrale », est que plus le répondant a l’impression que l’outil ou l’application de RA va le plonger dans l’histoire ou l’engager émotionnellement, plus il aura l’intention de l’adopter et de l’utiliser.
. Un autre constat est que le rapport à la tablette de RA varie selon la personnalité du visiteur. Cette étude a montré que les personnes « multi-tâches », qui adorent faire plusieurs choses à la fois, étaient enclines à utiliser ce dispositif, alors que les personnes « mono-tâches », qui préfèrent fixer leur attention sur une seule chose, y étaient « plus réticentes, et ce particulièrement quand l’application donnait une très forte présente spatiale, avec beaucoup d’éléments de contenu par rapport au site dans lequel elles étaient incluses ».

La conclusion de cette étude est qu’il y a en effet une intention d’adopter les outils de RA, en ce sens qu’ils font « surgir des évènements passés, immergent les personnes dans l’histoire » et ils ont aussi un « effet positif sur l’intention de visite et le bouche à oreille ».

Néanmoins ces résultats ont des limites :
. « Il s’agissait d’une présentation très simplifiée (un diaporama) »,
. Cela ne répondait pas à une question importante pour certains musées, à savoir s’il « vaut mieux investir dans plus d’animations sur le site ou dans le développement d’outils de réalité virtuelle ».
.  La troisième limite de cette étude est que la recherche « se concentrait sur des outils de RA très informatifs » mais « ne racontant pas réellement une histoire ».

Ce qui a conduit à la mise en place d’une autre étude.

La seconde étude (2000 répondants) a été effectuée en prenant comme point de comparaison le site du château de Fougères (partenaire de VISTA). 8 différentes vidéos ont été présentées montrant le site avec ou sans animations, avec ou sans outils de RA informatifs et encore avec ou sans outils de RA narratifs.

. « Les résultats confirment partiellement ceux de la première étude, […] avec une assez forte intention d’utilisation. »
. Elle indique aussi qu’en ajoutant une RA très narrative (animation de la scène de bataille) à la RA informative, cela accroit encore plus l’intention d’utiliser ces outils. Les principales raisons évoquées par les répondants sont que ces expériences de RA avec histoire et information « sont à la fois perçues comme plus « fun » et plus utiles » et leur « permet d’apprendre plus de choses. »
. En termes d’attractivité les résultats étaient assez étonnants ; ils seront questionnés dans une étude prochaine : « la présence d’une RA uniquement informative […] va dégrader, dans ce deuxième cas, l’immersion narrative (soit la capacité à rentrer dans l’histoire) et les émotions que cela a procuré » mais aussi « dégrader l’intention de visite ».
. « L’autre résultat intéressant est qu’animation (sur site) et RA narrative […] ont un effet de synergie » qui va augmenter « l’immersion narrative et l’engagement émotionnel »

En conclusion, cela « confirme les résultats de la première étude MAIS avec un « bémol », développer des outils de RA purement informatifs, dans cette deuxième étude, ne suffit pas, surtout quand le site est par lui-même très immersif. » Il est donc « important pour les musées lorsqu’ils décident d’utiliser des outils de RA de faire en sorte que cela favorise réellement l’immersion narrative. »

 

FAQ

Quelques-unes des questions posées par les participants de Pint of Science
(réponses de G. Bonnin non verbatim) :

* L’accès à la RA est-il possible à distance ? Cela pourrait démocratiser et intéresser les plus jeunes.
GB : Si le principe de la RA est véritablement d’être sur les lieux et d’apporter avec le dispositif une sources d’information complémentaire sur un élément du site, plusieurs initiatives autour de la réalité virtuelle sont en cours visant à répondre à cet objectif de démocratiser et intéresser un nouveau public.

 * Y-a-t-il eu des retours où la RV éclipsait la visite / le monument et l’ambiance « historique » du lieu ?
GB : Bien que cette étude par rapport à la RV n’ait pas été menée, « quand on voit l’impact qu’ont les animations sur l’expérience de visite, on peut se dire que c’est très probablement quelque chose que les visiteurs ne sont pas prêts à lâcher » ; aussi le risque pourrait être ici pour le site d’investir dans des lunettes de RV à perte.

 * Envisagez-vous de faire une étude avec des lunettes comme outil de RA au lieu des tablettes ?
GB : Bien que les lunettes de RA (type Google Glass) ont un énorme avantage en termes de praticité, car sont moins encombrantes que la tablette (« peuvent aller dans le sens de l’ergonomie de la visite »), il n’en existe à l’heure actuelle que très peu sur le marché.

 * Est-ce que les tablettes vont remplacer les guides ? Les 2 sont-ils complémentaires, le virtuel et la médiation « humaine » du guide ?
GB : « Les 2 sont complémentaires. […] La tablette peut rendre encore plus expérientielles les interactions avec le guide et faciliter son travail ». 

 

Trouvez la rediffusion de l’évènement et l’ensemble des présentations sur la chaine YouTube de Pint of Science : https://www.youtube.com/watch?v=YDJZjeaOBHI (Sous-titres automatiques disponibles pour les anglophones).